« Il est rare qu’une écriture narrative vous saisisse de prime abord, dès le premier regard, dès la première écoute ; encore plus rare qu’elle émane d’une inconnue et d’un de ces « premiers romans » dont le plus souvent tout est à craindre. Je me souviens et me souviendrai toujours avec la même vive émotion de mon tout premier contact sensoriel – j’y insiste – avec cet Irène, Nestor et la vérité de Catherine Ysmal dont la revue L’Arsenal, que je dirige, a publié un long extrait : las de lecture de trop de textes convenus comme du triste hôpital et de l’encens fétide, fatigué des sempiternels affûtiaux d’une modernité forte en gueule mais courte en bouche, on ouvre soudain grands les yeux, l’oreille se dresse, le cœur palpite. Ce fut comme une apparition : parce qu’il y avait là, sous couvert d’une histoire certes bien présente et prenante, cette matière poétique, faite de rythmes et d’images – celle des plus grands –, qui avance moins délibérément dans le signifié qu’elle ne se faufile, labyrinthique, parmi les mots, sans autre fil d’Ariane que celui d’associations dont la maîtrise nous mène, nous autres lecteurs, au plus profond de nous-mêmes et de notre imaginaire, dépouillée des artifices de l’alternance éculée des descriptions et des passages narratifs et sans aucun de ces trop gros effets dont, l’âge aidant, on n’est plus la dupe si jamais on l’a été. Une matière, oui, subtilement poétique qui n’exclut pas l’âpreté dans un tissage dont le bâti demeure invisible, et qui vous habille d’une grâce au beau tombé relevant de la haute couture plus que du prêt à porter : Catherine Ysmal, son coup de patte, sa griffe. »
Lionel-Edouard Martin, auteur et directeur de publication de la Revue L’Arsenal