Catherine Ysmal

Extrait

« Minuit

Sur la place, des hommes et des femmes écoutent de la musique tandis qu’une jeune fille passe de table en table avec des bouquets de fleurs. On bat les cartes, on boit, on parle. Il fait doux. L’obscurité maille les derniers rais lumineux pendant qu’on croise et décroise les bras et les jambes. Un enfant s’endort dans sa poussette.  Wagner a disparu dans une trappe à la recherche du cafetier, revient avec un nouveau fût.

Louis, d’une souplesse inconnue, se lève d’un bond, frappe en même temps les pavés de sa canne, le bras en avant.

Kam’rad, Kam’rad !

Kam’rad se retourne,  revient sur ses pas, embrasse puis étreint longuement tous ceux qui forment un groupe autour de Louis. Il tire une chaise, prend place avec eux.

– Tournée générale, crie-t-il.

– Il vient d’où ce nom ? demande tout bas Pierre à son voisin.

– Quoi, Kam’rad ? De la colline, là-bas.

– Quelle colline ?

– Celle des réfractaires.

La lune est grosse. Il commence doucement à pleuvoir, puis plus abondamment. Les musiciens remballent leurs instruments ; la place se vide. Sept hommes demeurent sous une bâche,  un verre à la main, regardent silencieux.

–  C’est bizarre ce silence, le silence des pavés, non ?

–  Ouais, on a même l’impression que la pluie se tait tant ils brillent. «